Antiquité, époque romaine
Si Jastres m'était conté
Deux ensembles fortifiés se trouvent sur le plateau de Jastres, au bord de la falaise qui domine l’Ardèche et la plaine d’Aubenas, constituant ainsi un poste d’observation naturel de l’axe de circulation qui longe le pied des Cévennes. Ils sont situés sur la voie cévenole, réutilisée à l’époque romaine, qui reliait la vallée du Rhône (Le Teil) et le Massif Central (par Alba, Jastres puis le col du Pal).
Sur la partie la plus élevée du plateau, Jastres-Sud est un grand enclos de près de 13 ha, protégé par un rempart rectangulaire, sans tour, mais dont la fonction défensive est claire. Comme à Jastres-Nord, de nombreuses balles de jet y ont été retrouvées. Il s’agissait vraisemblablement d’un lieu de refuge dans lequel des troupeaux pouvaient être regroupés. Sa construction remonte sans doute au IIe siècle avant notre ère.
Le rempart de Jastres-Nord a été dégagé grâce à des campagnes de fouilles archéologiques entreprises en 1974 et menées à bien par l’équipe de Claude Lefebvre (Université de Metz) au cours de près de seize campagnes d’été. Le rempart est renforcé par sept tours et sa hauteur dépasse encore quatre mètres au point le plus élevé.
Cet éperon barré représente une superficie de 7 ha. Trois remparts successifs ont été construits à cet emplacement. Le premier mur, sans tour, date du IIe siècle avant notre ère, un peu avant la conquête de la région par Rome. Il est aujourd’hui arasé et ne se distingue qu’à l’intérieur du périmètre actuel.
Le second mur, construit en gros appareil, de blocs réguliers, possédait des tours carrées accolées au rempart et suit un tracé permettant d’englober un périmètre plus vaste que le précédent.
Il a été construit dans la première moitié du Ier siècle avant notre ère, à l’époque où les Helviens, après de multiples péripéties, étaient devenus les alliés de Rome alors que les tribus gauloises indépendantes du Massif Central et des Cévennes lui restaient hostiles, jusqu’à leur dernière défaite lors de la guerre des Gaules (58 à 52 av. J.‑C.).
Ce site fortifié avait pour but la protection des Helviens contre ces tribus et il dispose d’une entrée de type militaire, en chicane (clavicula). Le troisième rempart (état actuel) a été construit après la guerre des Gaules et s’adosse au deuxième, constituant un large mur contenant trois parements, le parement médian étant celui du second rempart. Il est caractérisé par une alternance de tours rondes et de tours carrées. Comme le second mur, il protège un habitat permanent, de type urbain. La ville fortifiée a pourtant été abandonnée peu après, au début du Ier siècle de notre ère, à l’époque de la fondation d’Alba, au moment où l’évidence de la paix romaine explique l’abandon des sites fortifiés de hauteur. C’est ce troisième état qui donne à la fortification son allure monumentale encore visible aujourd’hui, avec l’alternance de ses tours rondes et de ses tours carrées. Ces tours, creuses, étaient couvertes d’une toiture de tuiles et l’on y accédait par une porte donnant sur le chemin de ronde, en dessous du niveau d’arasement actuel. Malgré cette apparence militaire, cette dernière construction n’avait pas de raison défensive et répondait sans doute à une fonction de prestige : manifester la présence d’une autorité politique que Rome a pu vouloir remercier de son appui lors de la guerre des Gaules.
Ces deux places fortes existaient lors de l’insurrection conduite par Vercingétorix et l’on peut se laisser aller à imaginer que, en 54 av. J.-C., le plateau de Jastres a servi de lieu de cantonnement à des unités des légions de Jules César en route pour rejoindre Gergovie (près de l’actuelle Clermont-Ferrand).